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Chez Antoine Peenaert, dans le Pas-de-Calais, la culture du risque de submersion

Antoine Peenaert a, toute sa vie, appris à composer avec la géographie et les conditions particulières de sa région des Wateringues.

[Contenu proposé par La Pomme de terre française] Les inondations survenues en novembre dans le polder des Wateringues ont rappelé au grand public la fragilité de cette région face aux aléas climatiques. Pour les agriculteurs de la zone, tels qu’Antoine Peenaert, ce risque fait partie du quotidien.

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L’excès d’eau est un risque qu’Antoine Peenaert a de bonnes raisons de prendre en compte dans la conduite de sa ferme. Cette dernière est située aux Attaques, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Calais, en plein polder des Wateringues. « Tous les ans, nous connaissons des inondations. Ici, à marée haute, nous serions à un mètre sous le niveau de la mer », éclaire-t-il.

Pour autant, si cette particularité géographique peut apparaître extraordinaire, voire inquiétante à tout un chacun, elle lui semble d’autant mieux entrer dans l’ordre naturel des choses qu’elle fait partie de son histoire personnelle. « Nous sommes installés ici depuis trois générations », indique-t-il. Autant il sait apprécier la générosité de son terroir, autant il connaît les sacrifices qu’il exige. Il peut témoigner de l’importance de curer régulièrement les fossés dont il a la responsabilité sur les terres qu’il exploite.

« Autrefois, dans les fermes, les anciens consacraient un mois complet à refaire les fossés à la main », rapporte-t-il. Aujourd’hui, ses moyens mécaniques lui permettent d’aller plus vite. Antoine Peenaert dispose depuis une vingtaine d’années d’une rigoleuse portée derrière un tracteur. Plus récemment, il a acquis d’occasion une petite pelle de quatre tonnes équipée d’un godet de curage.

Ne pas se battre contre la nature

Même s’il a la chance de travailler des parcelles sableuses se ressuyant relativement bien, il connaît la prudence qu’inspire le contexte géographique local. « Personne dans la région ne planterait des pommes de terre tardives pour l’industrie. Ce serait se tirer une balle dans le pied », dit-il. Lui-même, pour les productions qu’il livre sur le marché du frais, a choisi des variétés précoces telles que Colomba ou Queen Anne.

« Nous sommes contents que la recherche sorte de nouvelles variétés adaptées à nos conditions. » Il se souvient que son père récoltait ses pommes de terre durant la première semaine de septembre. S’il s’est doté de moyens mécaniques plus modernes capables d’intervenir en conditions difficiles, il préfère ne pas dépasser la dernière semaine de septembre, voire la première d’octobre. « J’ai appris que l’idéal est le moment où la butte commence à grisonner. Si elle est trop humide, la machine ne tamise plus. Il ne sert alors à rien de se battre contre la nature. »

Dans les Wateringues, l’entretien des fossés bordant les parcelles est à la charge des agriculteurs. (© Bernard Serpantié)

Très vite, au tout début de l’automne, des orages localisés peuvent éclater. « Les petits reliefs que nous appelons Collines guînoises, situés à quelques kilomètres de chez nous, en bordure du polder, ont pour effet d’arrêter l’air humide chaud venant de la mer et de déclencher des orages. Nous connaissons ce phénomène depuis toujours. Mais, alors que du temps de mon père ils apportaient 30 millimètres, désormais avec le changement climatique, ils peuvent dépasser les 80 mm ! »

L’agriculteur tient compte de l’ensemble de ces conditions naturelles dans sa stratégie d’équipement en matériel. Alors qu’il partage des outils en Cuma pour la récolte du lin et de ses betteraves, il a préféré sécuriser ses arrachages de pommes de terre en se dotant de sa propre machine de 12 ans, acquise d’occasion. Le tracteur, monté en pneumatiques larges avec des carcasses supportant des pressions de 0,8 bar, lui permet d’intervenir en conditions difficiles. « Nous n’avons pas d’autre choix que de nous suréquiper. Nos coûts d’arrachage sont probablement plus élevés qu’ailleurs. Mais, sans ce type de matériel, épandre l’azote serait difficile », confie-t-il.

Un polder à entretenir

Lorsque l’eau submerge les parcelles, Antoine Peenaert utilise une pompe d’aspiration attelée au tracteur capable d’évacuer jusqu’à 2 000 m3 d’eau par heure. « À l’automne, nous l’avons fait tourner 250 heures pour sauver les récoltes ». Les dépenses et efforts nécessaires à la gestion de la zone sont bien acceptés par l’agriculteur. « Nous savons qu’ils sont importants pour les cultures ». En plus des fossés bordant ses parcelles, il paie entre 27 et 40 € par hectare de redevance à sa section des Wateringues, une association de propriétaires chargée d’entretenir les fossés et les ouvrages de pompage.

En général, les agriculteurs du secteur s’occupent plutôt bien de leurs abords de fossés. C’est moins le cas de particuliers comprenant mal les risques. Même dans la région, la culture générale liée au polder est très différente de ce qui peut se rencontrer aux Pays-Bas. « Là-bas, la Nation entière comprend qu’elle doit assumer les risques liés à l’eau. Les investissements et dépenses sont donc importants. Ils représentent près d’un euro par jour et par habitant ! »

Des remontées d’eaux salées

Si les excès d’eau représentent le plus grand risque de cette zone de polder, la faible réserve utile des terres sableuses nécessite de prévoir des irrigations l’été sur les pommes de terre. En général, Antoine Peenaert prévoit entre deux et trois tours d’eau à l’enrouleur par campagne pour un apport de 60 à 120 mm. Il surveille également les niveaux d’eau dans les Wateringues afin que ceux-ci ne baissent pas trop. L’eau douce de la nappe de surface bloque les remontées d’eau salée revenant de la mer. Pour prévenir ce risque, il vérifie régulièrement le taux de salinité des sols. « Il y a deux ans, nous avons perdu une parcelle de haricots », regrette-t-il.

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